Sur le plateau du Colorado
Ouh, que de paysages dans la tête et de couleurs dans les yeux depuis notre dernier billet… Ces trois semaines sont passées très vite, et en même temps nous avons vécu tellement de choses différentes qu’elles semblent une éternité !
Nous avons quitté la Californie par la Vallée de la Mort et sa chaleur incroyable : 110° à l’ombre, en Fahrenheit heureusement (42°C), mais sans ombre. Dans l’après-midi, les enfants refusaient de sortir du camping-car…
Notre incursion de quelques jours au Névada nous laisse l’impression que cet état investit plus volontiers dans ses casinos que dans ses espaces naturels, même si nous dénichons de très jolis petits coins.
Las Vegas et ses machines à sous Les très profondes rigoles d’érosion de Cathedral Gorge, dans lesquelles les enfants ont fait des parties
de cache-cache mémorables.
Puis nous voilà en Utah, où nous grimpons sur le plateau du Colorado. Il s’agit en fait d’un immense escalier, sur lequel chaque nez de marche est une falaise de couleur différente, taillée par la rivière Colorado : un vrai livre de géologie grandeur nature, qui nous relate quelques 600 millions d’années de l’histoire de la Terre! Nous allons attaquer par la plus haute marche, la plus récente (enfin, en millions d’années), pour le descendre progressivement, c’est à dire actionner la machine à remonter le temps.
4 marches de l'escalier visibles ici, de haut en bas les pink cliffs, grey cliffs, white cliffs et vermillon cliffs. Même si la photo écrase ici les distances horizontales, elles sont en fait séparées de plusieurs dizaines de kilomètres.
La plus haute marche, donc, nous éblouit déjà par ses formes et ses couleurs. Cedar Break National Monument, un gigantesque amphithéâtre de tours et de crêtes dentelées, est en fait taillé dans la même couche géologique que son voisin plus fameux, Bryce Canyon (les Pink Cliffs, soit les falaises roses). Il est simplement un peu plus haut (3 300 m) car les couches sont inclinées. Nous profitons donc en prime de merveilleuses couleurs d’automne et de nuits …. bien fraîches !
A Bryce, tout est tellement beau partout, et à toutes les heures du jour, que notre plus gros problème réside dans le tri des photos : pas plus de 200 par jour… Yan, Clara et surtout Tobias ont marché comme des chefs à travers ces “Hoodoos” pour suivre leurs parents qui ne pouvaient pas s’empêcher d’avancer encore un peu, encore un peu, et pour finir encore beaucoup.
La grande variété des tons superposés, de l’orange intense au rose pâle, est due à des alternances de dépôts en milieu lacustre, bien oxygéné et qui a donc permis l’oxydation de fer (équivalent de la rouille) : il y a 40 millions d’année, l’Utah était donc recouverte d’un immense lac. Les hoodoos sont les tours aux contours improbables que l’érosion a façonnée par la suite, en attaquant de façon différente les dépôts plus tendres (les creux) et les dépôts plus durs (les bosses).
La marche d’en dessous de l’escalier est grise: ce sont des calcaires déposés en bordure d’une mer peu profonde il y a environ 120 millions d’années (en fait l’équivalent des barres calcaires baujues de l’Arcalod et du Trélod, sauf qu’il ne s’agit pas de la même mer).
Mais si l’on descend encore d’un cran, jusqu’à Zion, là on change carrément de paysage: les White cliffs – falaises blanches - sont des dunes de sable fossilisées, preuve qu’au Jurassique (180 millions d’années) la région était le plus grand désert de sable que la Terre ait connu.
Les bandes croisées (cross-beds) sont les traces des couches superposées de sable qui formaient les dunes, maintenant transformées en grès. En fait seule la partie supérieure est blanche ici, le reste est merveilleusement rouge.
Ici l’ampleur est spectaculaire.
Le randonneur se sent tout petit, le grimpeur a toujours les yeux en l’air, l’amateur de canyon découvre toute la gamme des possibles. Nous optons pour la marche en rivière dans les Narrows - “les étroits” – où les enfants s’amusent comme des fous dans l’eau pourtant bien fraîche.
Yan dans les Narrows de Zion
Pour finir, nous descendons encore la marche des Vermillon cliffs, qui elles aussi portent bien leur nom. Il y a 200 millions d’années, nous sommes encore dans un désert de sable, même si par moment des rivières coulent et permettent aux dinausores de laisser leurs empreintes.
Et puis d’un coup, un grand coup de sabre dans le paysage, l’escalier devient beaucoup, beaucoup plus raide; nous voilà devant le responsable de la mise à jour de toutes ses marches, la rivière Colorado.
A l’amont du Grand Canyon, il est encore facile de voir la rivière, mais dans le grand canyon, elle se cache 1600 m plus bas que le plateau. Là où elle coule actuellement, elle met à jour des roches tellement vieilles qu’elles ne contiennent même plus le moindre fossile, puisqu’elles datent d’avant les premières traces de vie sur Terre (plus de 600 millions d’années). Mais là, désolé, nous ne sommes pas descendus voir de nos propres yeux, Clara a mis son veto. Nous nous contentons des vues du plateau, qui suffisent largement à notre bonheur d’autant que la rive nord, à 2600m d’altitude, nous offre en prime le jaune flamboyant de ses forêts de bouleaux: on espère que vous aussi vous profitez d’un aussi bel automne. Et nous faisons le plein de fraîcheur avant de descendre dans les plaines désertiques !!
Voilà, le Grand Staircase est descendu, nous voici en Arizona dans les déserts de cactus. Nous avons échappé à la pluie (il paraît qu’il y a eu des grosses inondations dans l’état voisin du Colorado) et à la fermeture des parcs nationaux pour cause de mésentente gouvernementale sur l’affectation des budgets fédéraux (qui nous empêchera juste d’aller à Josuha Tree – encore une fois, il faudra revenir spécifiquement pour l’escalade; à coupler avec le Yosemite ?).
Nous voici bientôt au Mexique, nous troquons les chaussures de rando pour les maillots de bain pour aborder la Baja California ! Nous vous envoyons donc plein d’énergie ensoleillée. Merci à tous pour vos commentaires, c’est chouette d’avoir de vos nouvelles.
A bientôt de vous lire,
Les MaPaToClaYa