Colombia 5 – San Augustin, on connait bien – El parro de los campesinos
Lundi 28 avril, début de la grande grève nationale des agriculteurs Colombiens. Ce jour là, nous partons du désert de la Tatacoa et ne faisons qu’on tout petit bout de route pour rejoindre la fraîcheur attendue de la rivière de Rivera, sans encombre aucun. Mais tout le monde nous alarme “Les campesinos installent des barrages partout sur les routes, plus au sud vous ne passerez pas.” Ne nous laissons pas démonter, allons voir tranquillement…
Mardi matin, l’objectif de la journée est d’atteindre San Agustin, où nous savons que nous pourrons rester le temps qu’il faut si besoin.
Dans la matinée, nous tombons effectivement sur notre premier barrage, mais les agriculteurs ne bloquent le passage que par intervalle de 20 minutes: à peine le temps de faire connaissance, de discuter un peu pour commencer à comprendre les causes du mécontentement, et de se faire prendre et reprendre en photo très jovialement.
Début d’après-midi, 2e barrage. Là les véhicules locaux ne passent plus; les passagers des bus descendent et traversent le barrage à pied. Andreas descend pour discuter, je commence à faire l’école avec les enfants dans le Tioga. Au bout d’une heure de parlementassions, sympathiques mais fermes, ils nous laissent passer, mais seulement nous parce que nous sommes étrangers et voyageons avec des enfants.
Nous passons devant une station essence; Andreas, prudent et prévoyant, en profite pour faire le plein: un réflexe qui nous permettra de poursuivre notre route une semaine plus tard malgré la pénurie !
15h, Nouveau barrage, un camion en travers de la route, il y a beaucoup de monde. Andreas descend discuter. Les enfants du village viennent nous voir. Bientôt le Tioga est plein à ras bord d’enfants, puis de parents, et mêmes des agriculteurs du barrage qui montent, curieux de voir en vrai un véhicule qu’ils n’ont vu qu’à la télé. Ils finissent par nous dire en rigolant “vous devriez faire payer la visite”. ça c’est sûr, on aurait gagné notre après-midi ! parce que sinon, au niveau des négociations, ça n’avancent pas vite… Ils semblent finalement d’accord pour nous laisser passer… à 18h seulement. Patience.
Du coup on a le temps d’en apprendre plus sur les revendications. Selon les sensibilités de chacun, des choses assez différentes sont mises en avant :
- la loi qui est en train d’être votée qui oblige les agriculteurs à acheter leur semences aux grands groupes;
- le cours du café trop bas qui devrait être soutenu par le gouvernement;
- la politique actuelle du gouvernement qui vend toutes les concessions minières à l’étranger et dépossède la Colombie de ses matières premières, ne laissant sur place que les conséquences environnementales;
- le prix trop cher des engrais et pesticides;
- les dettes contractées suite à l’ouverture d’emprunts à taux bas (qui avait résulté des négociations de la grève précédente) qu’il faudrait effacer.
Des idées que l’ont soutient, et d’autres un peu moins, mais à 17h50 nous sommes toujours bloqués. Finalement comme promis ils nous laissent passer à 18h.
19h, nouveau barrage à quelques kilomètres de San Agustin, des arbres en travers de la route. Mais à cette heure-ci les grévistes ont vite pitié de nos enfants qui n’ont pas encore mangé (les pauvres, qui se sont goinfrés de biscuits tout l’après-midi…), et les arbres sont dégagés par quelques bras costaux.
19h30: objectif atteint ! nous sommes à San Agustin.
Désormais nous sommes tranquilles. Nous allons passer une semaine au calme, dans le camping d’une famille adorable avec des enfants pour jouer.Le climat est parfait, ni trop chaud ni trop froid; les environs regorgent de sites archéologiques aux sculptures fantastiques ; la pâtisserie française est à 5 min à pied et nous aurons notre baguette et notre Paris-Brest tous les jours. Dur, dur, de supporter une grève nationale…
Ces statues, rigolotes ou terrifiantes, accompagnaient les morts dans leurs tombes; elles datent pour l’essentiel du XIII – IXe siècle. On les découvre au fil de balades, à pied, à cheval ou à vélo, dans les superbes paysages de part et d’autre du canyon Magdalena – on est ici, tout au sud du pays, presque à la source de ce fleuve gigantesque qui traverse la Colombie d’un bout à l’autre (ou avait vu l’embouchure sur la côte caraïbe juste après notre arrivée à Carthagène).
La balade à cheval est un plaisir en soi, toute la famille au grand galop. Mais en plus elle nous permet de découvrir le beau site de La Pelota, où les sépultures découvertes récemment ont conservé une partie de leurs couleurs.
Yan passe encore son temps à photographier les oiseaux, les parents se font plaisir sur le marché, encore bien approvisionné,
Tobias joue avec Marty, le jeune chien du camping, pendant que Clara s’en va joyeusement pour l’école. Bref, à San Agustin, nous sommes bien.
Malgré tout la route nous appelle, et il semble que les campesinos, toujours en grève, ont la consigne de laisser passer les étrangers. Effectivement, au barrage à la sortie du village les hommes discutent à peine pour nous ouvrir la barrière.
Après un arrêt au site Alto de los Idolos pour voir d’autres tombes et sculptures nous traversons une dernière fois la cordillère colombienne pour rejoindre Popayan.
Le très beau site Alto de los Idolos.
Le paramo sauvage dans la traversée de San Agustin à Popayan, avec la végétation spécifique des frajilones.
A part un stop dans les thermes de Coconuco, dont sous garderons longtemps l’odeur de souffre, le temps pluvieux ne nous incite pas trop à nous arrêter. Une dernière visite à la cathédrale de las Lajas, le plus grand lieu de pèlerinage après Lourdes selon les gens Colombiens: l’impressionnant édifice gothique a été construit sur une gorge profonde où est apparue la vierge.
Et ça y est, nous voici à la frontière. 2 mois passés en Colombie, 2 mois de bonheur et de plaisir avec des gens d’une hospitalité et d’une chaleur incroyable. Une chose est sûre, nous reviendrons, il nous reste trop de choses à découvrir, trop d’amitiés à partager.